Enfant 1 : « Maman, ça fait au moins la sixième clope que tu allumes depuis qu'on est là ...
Mère : Oh, écrases tu veux ! je suis déjà contrôlée au boulot, par les impôts, j'aimerais bien pouvoir avaler ma nicotine tranquillos. Depuis que ton père m'a quittée, c'est plus fort que moi, j'ai besoin de ça.
Enfant 2 : Ca fait plus de deux ans que vous n'êtes plus ensemble, tu devrais tourner la page!
Mère : Trente ans de vie commune, trente ans d'habitudes, trente ans de train-train sans se poser de question, et bam, tu te retrouves sur le carreau du jour au lendemain, seule comme un caniche en pleine jungle !
Enfant 2 : N'exagère pas maman, tu n'es pas toute seule, tu as tes amies, tu as tes filles ...
Mère : La famille et les amis, c'est pour le jour, mais quand je rentre le soir et que par habitude je fais à manger pour quatre, je me retrouve seule devant mon assiette, quand je me retourne dans mon lit, il n'y a personne à mes côtés, quand mon évier est bouché, je me débrouille pour le réparer et quand vient le week-end, je n'ai pas de projet et je boulotte des dizaines de paquet de gâteau en fumant un paquet de Malboro.
Enfant 1 : Tu vas faire des rencontres, il faut sortir ...
Mère : J'ai déjà essayé les bals spécial célibataires désespérés et on y pêche le gros lot : des célibataires désespérés et désespérants ! entre le vieux garçon farci de manies qui t'invite dans son appart' blindé de photos de sa mère et qui pète un boulon quand tu changes son cendrier de place, le divorcé traumatisé qui te passe en sanglotant le film de la vie avec son ex, non merci !
Enfant 2 : tu caricatures là, ils ne sont pas tous comme ça ...
Mère : tu as raison, ils ne sont pas tous comme ça, et ceux là, ils sont déjà pris. Et puis j'en ai marre d'arriver à une soirée où l'on peut lire sur ma tête « je suis seule, abordez-moi je vous en supplie! », je voudrais pouvoir sortir sans arrière pensée, juste pour m'amuser, mais je ne peux m'empêcher d'espérer que là, parmi toutes ces têtes inconnues, il y a un homme pour moi, qui me prendra dans ses bras. Même quand je fais mon marché j'ai cette idée derrière la tête ... c'est usant !
Enfant 1: Il faut d'abord que tu te construises toi avant de penser à la vie à deux ...
Mère : Tu en as de bonnes, j'ai connu votre père à seize ans, je ne me suis faite qu'à travers ses yeux, je n'ai que lui comme point de repère,
Enfant 1 : Et bien change de port ...
Mère : Votre père m'a laissée, mais de là à le comparer à un cochon ...
Enfant 1 : Non, je te parle du lieu où on met les bateaux maman. En effet tu as été amarrée au même endroit pendant des années, mais il n'est pas trop tard pour faire ton propre voyage sur la mer. Tu vas sans doute essuyer quelques tempêtes, mais tu accosteras là où le paysage te semblera le plus doux,
Mère : Ca va prendre des années, dans dix ans je ressemblerai plus à une morue dessalée qu'à la Petite Sirène ! Et puis pour bien se construire il faut déjà accepter sa solitude, se sentir à l'aise quand tu te pointes quelque part toute seule, ne pas attendre désespérément que le téléphone sonne. Pour l'instant je fais semblant d'être à l'aise et je suis toujours prête à bondir sur le téléphone ...j'en ai un dans chaque pièce ...sans compter mon portable ...
Enfant 2 : Joins-toi à un club de femmes célibataires, ainsi tu feras partie d'une communauté, tu n'auras plus l'impression d'être un cas à part et cela te donnera plein d'occasions de sortir.
Mère : (après un silence, changeant sa voix) “Coucou, c'est nous les filles désespérées ! on l'est à tel point qu'on sort en bande, pour qu'on nous repère de loin ; on glousse comme des poules mais on a toutes des yeux de chiennes battues, des bouffées de chaleur qui nous pourrissent la vie, et on meurt de faim pour cause de régime draconien, qui n'en veut ?” Mais c'est un repoussoir à mec ce genre de conglomérat !
Enfant 2 : Je ne te parle pas que de trouver un mec, je te parle de partager tes pensées, d'avoir ton agenda rempli ...
Mère : (changeant sa voix) Allô Madeleine, mais tu pleurs ? moi j'en suis à 5 brownies et toi ? Si on allait au bal des pompiers dimanche ?
Enfant 1 : Évidemment, si tu ne te donnes aucune chance ...
Mère : Aucune chance ? mais la chance elle est derrière moi ! »
A ce moment précis, le serveur tape sur l'épaule de la mère :
Serveur : « Pardonnez-moi madame, le monsieur installé derrière vous souhaiterait vous offrir une coupe de champagne ...»